
100 % gaz vert : alors que la transition énergétique s’impose comme un impératif planétaire, certaines collectivités locales s’illustrent par des initiatives ambitieuses et concrètes. C’est le cas du Sundgau, ce territoire alsacien qui s’est lancé le défi de devenir 100 % gaz vert. Entre enjeux économiques, environnementaux et sociétaux, ce projet incarne une approche territoriale de la décarbonation, misant sur la méthanisation, la valorisation du CO₂ et la coopération des acteurs locaux. Retour sur les grandes lignes de cette stratégie, à travers le témoignage d’acteurs engagés.
Ceci est un extrait d’une interview, sélectionné par votre média Green Finance, qui donne la parole à tous, même si cela peut vous déplaire et nous déclinons toutes responsabilités sur la source et les propos de cet extrait.
100 % gaz vert : une ambition territoriale portée par la méthanisation et la coopération locale
Dès les premières étapes, l’ambition est claire : transformer la production énergétique locale en misant sur la méthanisation agricole et la valorisation des ressources du territoire. Le Sundgau vise à devenir autosuffisant en 100 % gaz vert, non seulement pour répondre aux besoins énergétiques mais aussi pour renforcer l’économie circulaire et soutenir l’agriculture locale.
La méthanisation, bien plus qu’un simple procédé technique, est ici présentée comme un levier multifonctionnel. Elle permet de générer un complément de revenus pour les agriculteurs, notamment grâce à la vente d’électricité et de gaz produits, tout en apportant des solutions à des problématiques agricoles chroniques. En effet, le traitement des effluents par méthanisation facilite leur gestion et réduit la charge de travail des éleveurs. Le digestat issu du processus constitue également un fertilisant naturel, renforçant la fertilité des sols tout en diminuant le recours aux engrais chimiques.
Mais cette transformation énergétique ne repose pas uniquement sur les exploitants agricoles. Le rôle des collectivités locales est central. L’intervention publique se traduit par un soutien à l’implantation des projets, mais aussi par une volonté de partager les risques financiers et opérationnels. Cette alliance entre acteurs publics et privés vise à structurer une filière solide et résiliente, ancrée dans le territoire et créatrice de valeur.
Cette démarche collaborative s’incarne également dans des initiatives symboliques, comme l’affichage de panneaux “Ville engagée 100 % gaz vert” à l’entrée de plusieurs communes, signalant l’adhésion à cette dynamique. Ces marques d’engagement participent à sensibiliser les citoyens, à créer un sentiment de fierté et à renforcer l’acceptabilité des projets.
Valoriser le CO₂ et structurer une filière locale intégrée
Au-delà de la production de biogaz, le projet intègre une réflexion plus large sur la valorisation du CO₂. Ce gaz, émis lors de la méthanisation ou par des industries locales comme la cimenterie Holcim, pourrait être capté et réutilisé pour d’autres usages industriels ou énergétiques. L’orateur imagine déjà une filière territoriale du CO₂, combinant les émissions des méthaniseurs et de la cimenterie, afin de constituer un volume suffisant pour développer de nouveaux débouchés.
Cette intégration verticale permettrait non seulement de réduire l’empreinte carbone locale, mais aussi de créer de nouvelles chaînes de valeur. L’exemple d’un partenariat potentiel avec l’aéroport voisin de Mulhouse-Belfort est évoqué, en lien avec l’utilisation de carburants d’aviation durables (SAF). Le CO₂ capté pourrait ainsi alimenter ces nouveaux carburants, bouclant la boucle entre production locale et consommation locale.
Mais pour réussir, cette stratégie nécessite une gouvernance élargie et proactive. L’orateur plaide pour que les collectivités territoriales jouent un rôle accru, en devenant non seulement facilitatrices mais aussi partenaires financiers des projets. Cette implication renforcée permettrait d’assurer un meilleur ancrage des projets dans les politiques publiques locales, tout en favorisant un partage des bénéfices économiques.
Face aux obstacles financiers et réglementaires, notamment après une période de ralentissement de la filière, les acteurs locaux ont lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI). Cette initiative vise à relancer l’investissement en identifiant de nouveaux porteurs de projets et en mobilisant les financements nécessaires. L’objectif ? Remettre la filière sur une trajectoire ascendante, en maintenant l’élan initial et en élargissant le cercle des partenaires.
La question de l’acceptabilité sociale et la pédagogie du changement
Un tel projet ne peut réussir sans l’adhésion des habitants. L’orateur revient longuement sur les difficultés d’acceptabilité rencontrées, en particulier pendant la période de la pandémie de Covid-19, où les contraintes sanitaires ont freiné les actions de terrain. Dans ce contexte, les “marchands de peur” ont eu le champ libre, alimentant les inquiétudes et les oppositions autour des installations de méthanisation.
Pour contrer ces résistances, l’approche privilégiée est celle de la co-construction. Il est essentiel d’associer les élus, les associations, les riverains et l’ensemble des parties prenantes dès la phase de conception des projets. Cette démarche participative permet non seulement d’anticiper les oppositions mais aussi d’adapter les projets aux attentes et aux spécificités locales.
L’exemple cité est celui d’un plan de paysage élaboré avec les élus locaux, afin d’intégrer les méthaniseurs dans l’environnement visuel et de définir des règles d’aménagement acceptables. Cette approche collaborative a permis de lever les craintes et de démontrer que le développement du territoire n’est pas incompatible avec sa préservation.
Par ailleurs, l’ouverture régulière des installations au public est perçue comme un outil pédagogique efficace. Les portes ouvertes, les visites guidées et les distributions de compost participent à démystifier la méthanisation et à montrer ses bénéfices concrets. Ces actions favorisent une appropriation collective du projet, en transformant la méfiance en curiosité, puis en adhésion.
L’orateur insiste également sur l’importance de la transparence et de la communication continue, notamment en partageant les avancées et les résultats lors des conseils municipaux ou autres instances locales. Ce dialogue permanent renforce la confiance et contribue à installer une relation partenariale durable entre les porteurs de projets, les collectivités et les citoyens.
La mobilité verte comme prolongement naturel
Au cœur de cette stratégie territoriale, la question de la mobilité occupe une place essentielle. L’orateur met en avant l’opportunité d’utiliser le gaz vert produit localement pour alimenter les flottes de bus, les bennes à ordures ménagères, les camions ou même les engins agricoles. Cette approche permettrait de fermer la boucle énergétique, en substituant les carburants fossiles par une énergie renouvelable produite et consommée localement. Le développement d’un réseau de stations bioGNV (gaz naturel véhicule issu du biométhane) est ainsi envisagé, contribuant à réduire les émissions de CO₂ du secteur des transports, tout en renforçant l’autonomie énergétique du territoire.
Un modèle économique résilient et diversifié
Au-delà des bénéfices environnementaux, le modèle économique du gaz vert repose sur une diversification des revenus pour les agriculteurs et les acteurs locaux. La méthanisation génère plusieurs sources de valeur : la vente de gaz injecté dans le réseau, la valorisation du digestat en fertilisant, la commercialisation éventuelle du CO₂ capté, et la possibilité d’alimenter une filière locale de carburants verts. Cette poly-activité énergétique constitue un atout dans un contexte d’incertitude économique et climatique. Elle permet aux exploitants de mieux résister aux fluctuations des marchés agricoles et énergétiques, tout en participant activement à la transition écologique.
L’enjeu de la souveraineté énergétique locale
Dans un contexte géopolitique marqué par les tensions sur l’approvisionnement énergétique, le projet du Sundgau s’inscrit dans une quête de souveraineté énergétique locale. Produire son propre gaz vert, en s’appuyant sur les ressources du territoire, permet de réduire la dépendance aux importations et de sécuriser l’approvisionnement en énergie pour les habitants et les entreprises. Cette autonomie contribue également à limiter l’exposition aux hausses de prix liées aux crises internationales. L’orateur souligne que cette capacité locale de production énergétique représente un facteur de résilience stratégique pour le territoire, face aux incertitudes globales.
Des synergies industrielles et agricoles à renforcer
Le développement d’une filière gaz vert territoriale ouvre aussi la voie à des synergies industrielles et agricoles nouvelles. L’utilisation conjointe des sous-produits agricoles, des biodéchets, voire de coproduits industriels permet d’optimiser les ressources locales et de mutualiser les infrastructures. La coopération avec des acteurs industriels comme la cimenterie Holcim, ou l’aéroport voisin pour la production de carburants durables, illustre cette volonté de créer des boucles locales d’économie circulaire. Ces partenariats renforcent la complémentarité entre secteurs économiques, tout en maximisant les retombées environnementales et économiques à l’échelle du territoire.
Une vision à long terme, au-delà d’un seul mandat
Enfin, l’orateur insiste sur la dimension temporelle du projet. Une telle transition ne peut se concrétiser en quelques mois : il faudra au minimum cinq ans, voire davantage, pour atteindre les objectifs fixés. Il appelle donc à une continuité politique et partenariale, au-delà des alternances électorales, pour garantir la pérennité du projet. Cette vision à long terme suppose d’ancrer la transition énergétique dans les politiques publiques locales, mais aussi de former et d’impliquer les générations futures. En ce sens, la sensibilisation des jeunes, des écoles et des acteurs éducatifs est vue comme un levier clé pour assurer l’adhésion et la transmission de la dynamique.
Le projet du Sundgau
Le projet du Sundgau illustre de manière exemplaire les possibilités offertes par une transition énergétique territoriale, reposant sur la méthanisation, la valorisation des ressources locales et la coopération des acteurs. En visant l’autonomie énergétique par le gaz vert, le territoire parie sur une énergie locale, renouvelable, stockable et circulaire, tout en créant de l’emploi et en soutenant l’agriculture.
Mais ce modèle exige une gouvernance ouverte, une implication renforcée des collectivités et une pédagogie active pour lever les freins sociétaux. Si les défis restent nombreux – financiers, réglementaires, techniques ou sociaux –, l’exemple du Sundgau montre qu’une transition énergétique “par le bas” est non seulement possible, mais aussi porteuse de sens et de résilience pour les territoires ruraux.
Alors que les débats nationaux sur la programmation énergétique battent leur plein, ces initiatives locales rappellent que la décarbonation passe aussi par les territoires, leurs ressources et leur capacité à fédérer autour d’un projet commun.
La “Mention Gaz Vert” : un levier complémentaire pour accélérer la transition
Parmi les initiatives soutenant l’essor du gaz vert, la “Mention Gaz Vert” occupe une place stratégique. Portée par l’association Coénove, elle vise à valoriser les équipements et les acteurs déjà compatibles avec le biométhane, en renforçant la visibilité et la confiance autour de cette énergie renouvelable. Concrètement, elle se décline sous deux volets : un label “Compatible Gaz Vert”, attribué aux équipements capables d’utiliser du gaz vert déjà injecté dans le réseau, et une reconnaissance “Acteur Engagé Gaz Vert” pour les fabricants, installateurs, collectivités et entreprises investis dans cette filière.
Cette démarche contribue non seulement à rassurer les consommateurs sur l’adaptabilité de leurs installations, mais aussi à fédérer toute une chaîne d’acteurs autour d’un même objectif de décarbonation. Avec plus de 2 500 installateurs labellisés et l’adhésion croissante de collectivités, promoteurs et bailleurs sociaux, la Mention Gaz Vert s’impose comme un outil concret pour ancrer le gaz renouvelable dans les usages quotidiens, tout en soutenant la souveraineté énergétique et le pouvoir d’achat.
Une dynamique collective portée par les territoires et les acteurs économiques
Le succès de la transition énergétique via le gaz vert repose sur une mobilisation à tous les échelons : élus locaux, agriculteurs, entreprises, opérateurs de réseaux et citoyens. Lors du 16ᵉ Live Innogaz, plusieurs témoignages ont illustré cette synergie, notamment celui de Denis Nass, vice-président du Pays du Sundgau, qui a souligné le rôle central des territoires ruraux. Selon lui, ces zones disposent d’un potentiel majeur de production de biométhane à partir des résidus agricoles, permettant à la fois de soutenir l’activité des éleveurs, de renforcer l’autonomie énergétique et de participer activement aux objectifs climatiques.
Cette approche intégrée donne au gaz vert une dimension bien plus large qu’une simple énergie : il devient un pilier structurant du développement local, en créant des retombées positives économiques, environnementales et sociales. Comme l’a rappelé Jean-Charles Colas-Roy, président de Coénove, l’adhésion croissante des collectivités et des professionnels témoigne d’une volonté partagée de bâtir une transition énergétique ancrée dans les territoires, en associant innovation, pragmatisme et intérêt général.
À lire aussi : Fonds durables en Europe : un premier trimestre 2025 contrasté